Polémique sur les croisières : « Marseille ne doit pas être un parc d’attractions »

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Written By Vincent Bourdieu

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Publié

le 12/08/2022 à 17:05, mis à jour le 12/08/2022 à 17:06

INTERVIEW – Trois semaines après la requête de Marseille contre la pollution des bateaux de croisière, Laurent Lhardit, commissaire adjoint au tourisme, confie au Figaro le leadership de la municipalité pour mieux surveiller les gros bateaux qui arrivent au port.

Le monde du tourisme peut-il faire plus pour la transition écologique ? La mairie de Marseille s’en est contentée. L’édile Benoît Payan (Printemps Marseillais, gauche) a lancé une croisade contre la nature des mers. Lancée en juillet, sa pétition pour interdire les bateaux polluants du port de Marseille les jours les plus pollués a recueilli près de 49 000 signatures. En réponse à ces enquêtes, Erminio Eschena, président de CLIA France, l’association internationale des croisiéristes, a confirmé la semaine dernière au Figaro que les gens de mer représentent moins de 5 % des escales. Une figure très terre-à-terre est Laurent Lhardit, l’adjoint au tourisme du district. L’élu estime qu’il faut agir rapidement pour protéger la mer Méditerranée, notamment en y créant une zone « ECA » pour contrôler les émissions polluantes.

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LE FIGARO. – Dans sa demande, le maire appelle l’Etat à travailler vite, à travailler dur, à contrôler l’influence de ce que vous appelez les grands groupes des mers. Quels paramètres spécifiques avez-vous en tête ?

Laurent LHARDIT. – Une zone SECA devrait être créée d’ici 2025 pour limiter les émissions de soufre des navires en Méditerranée. Pour nous, nous voulons créer une zone plus stricte, appelée ECA (« Emission Control Zone », ndlr) pour limiter tous les types d’émissions polluantes. C’est le but de la candidature, et nous déposons un dossier en vigueur à la rentrée de l’OMI (Organisation maritime internationale, qui est affiliée à l’ONU, ndlr). Nous ne demandons pas la lune : de telles restrictions existent déjà en mer Baltique, en mer du Nord, aux États-Unis ou en Chine. Certes, la situation économique de certains pays méditerranéens n’est pas la même que celle des pays riverains de la mer Baltique. Mais il n’y a aucune raison pour que les navires polluent la Méditerranée plus que les autres mers et océans. Par ailleurs, suite à notre demande, le Gouvernement s’est engagé à soutenir notre demande de création d’une zone ECA et à renforcer la lutte contre la pollution des bateaux utilisés par les drones.

Les efforts consentis en faveur de la transition environnementale, comme l’électrification du site prévu en 2025 à Marseille, ne suffisent-ils donc pas ?

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Il faut aller vite et fort, on n’a pas le choix pour la planète et la santé des Marseillais. L’électrification ne résoudra pas tout. Elle pose également le problème de la consommation énergétique : comment produire et transporter suffisamment d’énergie pour assurer la consommation de 8000 personnes ? Il convient également de noter que ces installations sont souvent financées par les collectivités, alors que les compagnies maritimes pourraient le faire elles-mêmes. Pourquoi ne pas utiliser l’argent public pour aider à la transition écologique des industries qui n’ont pas la capacité d’investissement pour le faire seules, comme le transport de voyageurs en Corse ou en Afrique du Nord ?

Pourquoi se focaliser sur le voyage alors qu’il ne représente chaque année que 5% des escales vers Marseille, selon la CLIA, l’association internationale des croisiéristes ?

CLIA prend le numéro approprié pour eux. Le Club de la Croisière Marseille Provence estime que les croisières génèrent 20% de la pollution totale liée au transport maritime. Sauf que c’est la moyenne de l’année. Ces bateaux viennent surtout pendant l’été où la pollution est généralement supérieure à 20 %. Et cette discussion concerne tous les gros navires, comme le Wonder of the Seas de Royal Caribbean qui sort 9000 personnes. Cela signifie une petite ville, alimentée par le pétrole. En comparaison, les navires qui emmènent 800 personnes en Corse, même s’ils sont équipés de moteurs de la génération précédente, polluent l’échelle.

Dans sa chronique, le maire de Marseille Benoît Payan évoque des bateaux qui polluent « environ un million de voitures ». D’où vient ce numéro ?

Il est issu de l’étude du milieu naturel de la France en 2018. Mais on aimerait mesurer précisément le phénomène. Pour le moment, soit les études n’existent pas, soit l’une ou l’autre est contestée. Nous recevons des plaintes d’habitants concernant la pollution, des médecins nous alertant sur des maladies respiratoires. On a demandé aux habitants du centre de ne pas utiliser leur voiture et quand ils regardent par les fenêtres ils voient la fumée qui sort des bateaux… Il faut mesurer le problème. Faisons un thermomètre reconnu par tous les joueurs. Le gouvernement a promis en 2019 de lancer une étude sur la santé et l’environnement. Mais jusqu’à présent, il est resté lettre morte.

Les retombées économiques des navires de croisière locaux font également l’objet d’une bataille de chiffres. Quelle est votre position là-dessus ?