Le 13 septembre, le Comité consultatif national d’éthique a rendu son avis 139, sur « Les enjeux éthiques liés aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité », ouvrant pour la première fois la voie à l’aide médicale à mourir (aide au suicide ou euthanasie ). ). Le débat ouvert en 1978 avec le projet de loi Caillavet est plus que jamais relancé.
L’argumentation des partisans de l’aide active à mourir se concentre sur la demande individuelle du malade et sur la compassion immédiate ; celui de l’opposition, de la solidarité et de la place du médecin dans le soin. Bien sûr, les représentations proches et les convictions jouent un rôle aussi important que la stricte rationalité. Mais cette tension est-elle éthique ou spirituelle ?
Distinguer éthique et spiritualité
On distingue ici ces deux notions, souvent confondues ou apparentées. L’éthique correspond à la relation avec les autres et aux comportements en société. Convoquant la spiritualité, il rappelle au philosophe Luc Ferry, la question d’une vie bonne pour les mortels, et s’interroge sur le bonheur, l’amour, le rapport à la mort. Elle est religieuse ou laïque.
La question centrale ici n’est pas la mort, la souffrance ou les conditions pieuses : c’est donc la spiritualité. La première étape de la pensée est le suicide, « le seul problème philosophique sérieux » pour reprendre les mots d’Albert Camus. La question porte sur notre place dans le monde et le sens de la vie au milieu de la souffrance physique ou morale, face à la dépendance et à la honte que vous ressentez pour vous-même.
Le point culminant de la tension est d’accepter ou non que la vie ne vaille plus la peine d’être vécue. Les professionnels des soins palliatifs, qui s’opposent à toute acceptation de l’aide médicale à mourir, rejettent non seulement l’idée de poser un geste fatal, mais refusent également d’abandonner la vie de la personne malade. On dit que le plaidoyer de ces praticiens, et des philosophes qui les soutiennent, est centré sur la place centrale dans la vie d’accompagnement, et non sur la préparation à la mort.
Influence religieuse
Car « les malades mourants ne voient pas qu’ils sont en train de mourir, une fois qu’ils sont morts, mais toujours aussi vivants (…), écrit Paul Ricœur. Qu’y a-t-il dans la capacité de penser qui est encore préservée, (c’est-à-dire) d’utiliser les ressources les plus profondes de la vie pour s’affirmer à nouveau ». D’où le sacerdoce du non-abandon et de la protection de la vie jusqu’à la plus grande limite, la vie est toujours précieuse et meilleure que son écourtement volontaire.
Sans surprise, il y a une influence religieuse plus prononcée de ce côté-ci de la fracture, où l’on trouve un certain nombre de philosophes chrétiens. Les termes de vocation ou de sacerdoce n’existent pas par hasard. Bien sûr, la foi chrétienne (comme d’autres monothéismes) est loin d’être éternelle parmi les opposants qui aident activement la mort. Mais qu’elle soit laïque ou religieuse, c’est la spiritualité qui est d’abord mise en cause. En d’autres termes, la question vue ci-dessus est la bonne vie pour les mortels.
Les quatre principes de la bioéthique
Les autres questions sont d’ordre éthique, et concernent nos relations avec les autres. Selon les quatre principes simples mais commodes de la bioéthique, ils sont ici questionnés : la réalité de l’autonomie décisionnelle, et avec elle la liberté de l’individu ; les principes de masculinité et de non-poésie s’incarnent dans l’acte de guérison lui-même (acte de soin et de fraternité ? ou acte de mise à mort inacceptable ?), mais aussi dans les conséquences au sein de la communauté des hommes (un message envoyé sur l’inutilité perçue, les conséquences psychologiques pour les survivants, la confiance chancelante dans une profession médicale autorisée à tuer).
Les deux plans opposés ne se font pas directement face : deux questions différentes sont posées, qui appellent deux types de réponses. Difficile de se parler dans ces conditions… Les défenseurs de l’assistance active à la mort se placent d’abord au niveau de celui qui demande cette assistance, et donc de la validation de son indépendance et de sa liberté de mourir quand il veut. Les autres aspects sont également pris en compte, mais dans une moindre mesure : l’indépendance et la liberté précèdent le « caractère sacré de la vie », l’aspect éthique l’emporte sur la question spirituelle.
Au contraire, les opposants à l’aide active à mourir mettent en scène deux arguments à la fois : d’une part, la préservation de la vie et la possibilité d’y trouver un sens jusque dans l’agonie, et d’alléger au maximum la souffrance ; d’autre part, l’impossibilité pour un médecin de tuer, un acte qui sort du cadre de sa profession et aux conséquences incalculables pour la vision sociale de l’homme vulnérable, la confiance entre le patient et le médecin. Le premier aspect est avant tout spirituel, le second aspect est lié au questionnement éthique.
La spiritualité est du côté des adversaires du suicide assisté
Faut-il en conclure que le cœur du débat est avant tout spirituel, et les réponses qui s’ensuivent sont plutôt de nature morale ? En tout cas, on notera que la spiritualité et l’éthique ne se répartissent pas également entre les deux camps : mais les tenants de l’aide active à mourir se situent au-dessus de tous les aspects éthiques, pragmatiques et juridiques, voire politiques (sur la base, malgré tout, avec une compassion immédiate vis-à-vis des oubliés de la médecine palliative), ses opposants insistent sur les valeurs qui les concernent, mais aussi sur des principes éthiques forts. En élargissant la ligne, on pourrait dire que la spiritualité est avant tout du côté de l’opposition au suicide assisté, un questionnement éthique des deux côtés.
En réalité, aucune des classifications habituelles ne reflète fidèlement la répartition de l’aide médicale active à mourir. Preuve s’il en était besoin que tous les aspects du dilemme ne peuvent être envisagés que lorsque tous les aspects du dilemme sont élargis qu’il est un honnête homme. A l’opposé de tout amalgame viennent la confusion des idées et les contradictions irréductibles.