Avec le soutien de Xavier Niel, Acheel fait partie de cette nouvelle vague d’Insurtech que l’on voit se répandre sur le marché ces dernières années. Mais contrairement à d’autres nouvelles compagnies d’assurance, la start-up a réussi à obtenir son agrément auprès de l’ACPR et peut donc concevoir ses propres produits d’assurance. Pour Forbes France, les co-fondateurs Ralph Ruimy et Francky Défossé ont accepté de nous en dire plus sur leurs ambitions.
Comment vous est venue l’idée du projet Acheel ?
Nous nous sommes rencontrés il y a deux ans par l’intermédiaire de Jean de la Rochebrochard, gérant de Kima Ventures (le fonds d’investissement de Xavier Niel). Nous voulions lancer un projet d’assurance en ligne qui pourrait redonner à la profession d’assurance son lustre d’antan. Nous ne voulions plus entendre dire que « tous les assureurs sont des voleurs ».
Très rapidement, nous nous sommes penchés sur les démarches à suivre pour être reconnu par l’ACPR comme compagnie d’assurance à part entière et donc nous espérons transformer les services actuels du secteur grâce au potentiel de la technologie. Nous avons dû constituer un dossier de plus de 1 600 pages, travailler avec les brigades de la Banque de France et attendre plus de six mois avant de recevoir nos autorisations.
L’ACPR demande beaucoup de fonds propres aux startups, nous avons donc fait une levée de fonds d’amorçage de 30 millions d’euros. Aujourd’hui nous avons plusieurs agréments pour notre assurance animal, habitation ou encore santé et c’est ce qui nous différencie des autres courtiers ou des nouveaux assureurs du marché. Nous ne nous contentons pas de vendre des contrats, nous les créons et veillons à leur exécution.
Quels sont les avantages d’Acheel par rapport aux offres d’assurance traditionnelles ?
Par rapport à une assurance traditionnelle, nous affichons le prix de chaque garantie en détail et non le prix du forfait ou de la formule choisie. Cette répartition du prix permet plus de visibilité sur ce que paient nos clients par mois, tout en ayant toujours la possibilité de résilier leur contrat de logement à tout moment.
Cela permet de dissocier les garanties obligatoires des garanties complémentaires ; que certains assureurs traditionnels font parfois passer pour obligatoires. Nous avons peu de reproches à faire au prix car il n’augmente qu’en fonction des garanties que le client a choisi d’ajouter à sa formule.
Votre offre s’adresse-t-elle principalement aux personnes du numérique ?
Non, nous avons des clients entre 18 et 70 ans, aussi bien dans les grandes villes qu’en province. Dès le départ, nous avons voulu un portefeuille assez diversifié en proposant des produits d’assurance adaptés à chaque profil. Pour nous, cette diversification des risques et des produits est notre force.
Comment vous positionnez-vous en tant qu’acteur historique de l’assurance ?
95% de nos clients viennent d’acteurs traditionnels mais nous avons toujours eu une très bonne relation avec eux car il y a de la place pour tout le monde sur ce marché. Certains clients souhaitent conserver une relation physique en agence et donc rester chez leur assureur généraliste, d’autres veulent plus de digital et se tournent vers nous.
Acheel propose deux modèles de distribution : une partie BtoC, entièrement digitale via le site acheel.com et une autre BtoB pour les grossistes et/ou courtiers locaux. Ainsi, nous pouvons encore renforcer notre présence dans les points de vente physiques pour nos clients qui souhaitent conserver une part de relation humaine dans leur expérience d’assurance. Nous avons fait le choix du numérique tout en étant présents dans les réseaux physiques.
Cette année 115 000 contrats et 40 millions d’euros de primes ont été dépassés. Nous distribuons 9 produits d’assurance dont l’assurance habitation, santé et chien et chat. Récemment, nous avons lancé l’assurance auto car nos clients ont exprimé le besoin de gérer tous leurs contrats en un seul endroit.
Vous planifiez une nouvelle collecte de fonds? Quels nouveaux projets sont prévus cette année ?
Nous envisageons actuellement de nouvelles levées de fonds pour concrétiser nos ambitions à l’international, notamment en Espagne, au Portugal, en Italie et en Allemagne. Parallèlement, nous lancerons également un nouveau produit d’assurance pour les emprunteurs et les propriétaires de motos et continuerons d’étoffer nos offres et outils pour les courtiers, afin de les aider à mieux gérer leurs contrats et leurs sinistres.
L’automatisation de la gestion des sinistres est également un bon moyen de faire baisser nos tarifs. Avec certains acteurs traditionnels, vous devez parfois encore envoyer une lettre pour confirmer votre réclamation, puis attendre plusieurs semaines pour qu’elle soit traitée. Chez Acheel, nous avons développé une IA intégrée au CRM et cela permet, par exemple, dans le cadre de l’assurance animale, de traiter un sinistre en quelques secondes, simplement en envoyant une photo.
N’est-il pas dangereux d’entrer dans ce secteur alors que de plus en plus d’experts pointent du doigt l’incapacité future des assureurs à faire face aux aléas climatiques ?
Notre rôle en tant qu’assureur est de faire un maximum de prévention pour éviter les problèmes futurs et cette prévention est aussi moins chère au final. En revanche, la mutualisation des risques émerge clairement face à l’urgence climatique. Aux Etats-Unis par exemple, il est parfois impossible d’assurer son logement dans les zones à risque climatique et les garanties peuvent coûter jusqu’à 5% du bien.
Malheureusement, certains experts s’attendent à ce que les prix des assurances doublent, voire triplent, dans certaines régions sujettes aux inondations ou à la sécheresse. Et évidemment, si quelqu’un choisit de s’installer près d’une forêt à haut risque d’incendie, cela doit être protégé dans le prix de ses primes d’assurance.
Cette année, nous n’avons pas augmenté nos prix mais nous voyons beaucoup de risques à constater, notamment en ce qui concerne la grêle ou la crise ukrainienne, qui affectent les importations et donc le coût des matériaux pour les travaux réalisés dans les maisons en France.
Le rôle de l’assureur est d’anticiper ces risques pour éviter qu’ils ne deviennent trop coûteux pour leurs clients. Mais qui aurait pu prévoir le déclenchement de la crise sanitaire ou de l’Ukraine ? L’assureur est le dernier recours sur ces questions et ne peut pas contrôler les prix du marché. Anticiper le risque est donc un exercice complexe, mais où la multiplication des données et des outils technologiques disponibles nous permet de réduire nos coûts de fonctionnement et de prévenir au maximum pour nos assurés.