Des biens patrimoniaux difficiles à assurer

Photo of author
Written By Vincent Bourdieu

Découvrez les infos du quotidien grâce à nos rédacteurs chevronnés

Plus de la moitié des propriétaires de maisons anciennes consultés par l’Association des amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec (APMAQ) ont de la difficulté à obtenir une assurance adéquate. C’est ce qui ressort surtout d’une enquête réalisée entre décembre et janvier, dont les données détaillées seront bientôt à la disposition du public, confirme l’organisme.

« Ce n’est pas que les vieilles maisons ne sont pas assurées », explique Noémi Nadeau de l’APMAQ, qui n’est pas apparentée à l’auteur de cet article. Mais les primes sont souvent élevées et comportent de nombreuses exclusions. Les couvertures sont partielles. »

« Le patrimoine doit être accessible à tous, dit l’APMAQ. Les riches qui peuvent se permettre d’y vivre ne devraient pas seulement avoir de vieilles maisons quand vient le temps de les assurer. »

Des inquiétudes

Ces dernières semaines, les médias se sont multipliés sur les difficultés rencontrées par de nombreux propriétaires pour assurer leurs maisons anciennes. Certains évoquent même des problèmes qui surviennent lors de la vente d’immeubles, faute d’assureurs intéressés.

C’est une situation très préoccupante, dit l’APMAQ. « Nous sommes très heureux de voir que les MRC et les municipalités nient la situation depuis quelques semaines. »

Depuis décembre, Le Devoir note que plusieurs municipalités ont endossé des résolutions officielles afin que le gouvernement agisse le plus rapidement possible pour régler ce problème. L’APMAQ a-t-elle entendu Mathieu Lacombe, le ministre de la Culture et des Communications, répondre à ce dossier? « Non, on ne l’a pas entendu », répond Noémi Nadeau, soulignant que l’État est loin d’être le seul responsable des problèmes actuels.

Accessibilité

Le patrimoine appartient à l’ensemble de la communauté, mais il souffre, selon l’APMAQ, d’une méconnaissance de la part des assureurs. « Il y a beaucoup de préjugés », explique Noémi Nadeau. Il y a de l’ignorance. Et quand on ne sait pas, côté assurances, on ne veut pas prendre de risques… Ils ne nous disent pas, par exemple, si la fréquence des sinistres est plus élevée sur les maisons anciennes. »

Elle note également l’ignorance de la part des médias. « Beaucoup de reportages sur des maisons anciennes mélangeaient toutes les catégories, si bien que les propriétaires ont peur. « Il soutient l’organisme car ils ne sont pas capables de se retrouver sur des inventaires de maisons patrimoniales, comme c’est le cas de certaines personnes, au bout de leurs intérêts.

Les assureurs semblent utiliser trop souvent les composants des constructions anciennes pour ne pas proposer une assurance à un prix raisonnable. Ainsi, rapporte l’APMAQ, un assureur assure la protection d’une toiture en tôle traditionnelle pour une durée maximale de 50 à 60 ans, et sa durée de vie est estimée à cent ans. Les fenêtres en bois traditionnelles, lorsqu’elles sont bien entretenues, peuvent durer plus de 25 ans. Cependant, un assureur ne leur accorde que la durée de vie des fenêtres contemporaines.

À Lire  L'assurance vol et perte AppleCare+ est disponible en France, combien coûte-t-elle ?

Parfois, le fait que la construction date d’avant 1940 suffit à contrarier les assureurs, montre l’enquête de l’APMAQ. Cependant, selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), la date de construction n’a aucune corrélation directe avec l’état d’entretien ou les risques auxquels un bâtiment fait face. Dans une étude sur l’état des immeubles construits avant 1945, la SCHL note que seulement 13 % ont « besoin de travaux majeurs ».

« Les assureurs ne demandent même pas l’état de la maison », déplore l’association. « Parfois, il y a des bâtiments qui ont été complètement reconstruits », à tel point que se pose la question de l’authenticité des lieux, avoue l’APMAQ.

Des économies dans la préservation

« Les assureurs doivent comprendre, comme la société dans son ensemble, qu’on ne peut pas remplacer tout ce qui est nouveau, qu’on ne peut pas utiliser indéfiniment des ressources pour tout jeter et reconstruire ce qui existe déjà. Les coûts deviennent infinis. Nous remplissons les dépotoirs. Le remplacement, il suffit de le remettre aux normes, ce n’est pas valable, ça n’a aucun sens. Abattre une vieille balustrade qui n’a pas la hauteur réglementaire pour les constructions neuves… Il faut « moyenner » un peu et apprendre à se calmer, en tant que société », estime Noémi Nadeau.

Depuis sa création en 1982, Amis et Propriétaires de Maisons Anciennes Québec a constaté une augmentation significative des difficultés d’accès à l’assurance habitation pour les 300 000 propriétaires de maisons anciennes. Jusqu’en 2020, cette association soutenait une forme d’assurance spécialisée devenue depuis obsolète. Cependant, cette question, bien que très présente sur la place publique, reste en suspens auprès des autorités gouvernementales. «Beaucoup de gens ne veulent même pas figurer sur les listes du patrimoine parce qu’ils ont peur de ce que cela pourrait signifier. Il y a un déficit important en éducation populaire, ce que l’APMAQ souligne. La faute non seulement à l’État, mais aussi aux assureurs, qui ne connaissent pas la réalité des maisons anciennes et imposent des coefficients élevés pour se couvrir. Nous sommes très heureux que les MRC […] s’en préoccupent. Ce sont eux qui se retrouvent entre l’arbre et l’écorce, coincés entre le ministère et les compagnies [d’assurance]. »

Les personnes interrogées par l’APMAQ pour son enquête sont réparties dans 14 des 17 régions administratives. Presque toutes les maisons de ces gens ont été construites avant 1940. La plupart des répondants se disent très inquiets du mauvais sort que les compagnies d’assurance réservent aux maisons anciennes, quel que soit leur état.