« La terre est désormais notre seul actionnaire. Yvon Chouinard, le fondateur excentrique de la marque de vêtements de sport Patagonia, a renoncé à son empire de 3 milliards de dollars pour lutter contre le changement climatique, a-t-il déclaré au New York Times dans une lettre ouverte. Il a transféré toutes les actions de l’entreprise à un trust et à une ONG chargée de canaliser tous les bénéfices annuels (environ 100 millions de dollars) vers la planète, notamment vers la préservation des habitats menacés.
À 83 ans, Yvon Chouinard, un Américain d’origine québécoise, explique qu’il « n’a jamais voulu être un homme d’affaires ». Et encore moins millionnaire. « Une option était de vendre Patagonia et de donner tout l’argent. Mais nous ne pouvions pas être sûrs qu’un nouveau propriétaire conserverait l’œuvre et nos valeurs », écrit-il. L’autre était une introduction en bourse, qui « aurait été un désastre ». « Même avec les meilleures intentions du monde, les entreprises cotées sont sous pression pour réaliser des bénéfices à court terme au détriment de la vitalité et de la responsabilité à long terme », explique celui qui entend « réinventer le capitalisme ».
Soutenu par ses enfants

Chouinard a donc demandé à ses avocats de faire preuve de créativité. Il a finalement transféré les actions avec droit de vote à une fiducie supervisée par des membres de la famille et des conseillers. L’entité sera chargée de veiller à ce que Patagonia respecte ses engagements. Toutes les actions restantes (98%) ont été laissées à une ONG nouvellement créée, et l’entreprise recevra des bénéfices annuels. Patagonia reste donc une société à but non lucratif, mais « chaque année, l’argent que nous obtenons après avoir réinvesti dans l’entreprise sera distribué sous forme de dividende pour lutter contre la crise (climatique) », a expliqué le dirigeant.
Contrairement aux dons de bienfaisance de nombreux milliardaires, il ne s’agit pas d’optimisation fiscale : la famille Chouinard paiera 17,5 millions de dollars pour les actions transférées à la fiducie. Le patriarche précise que ses deux enfants de quarante ans, qui n’hériteront pas de l’entreprise familiale, le soutiennent à 100%.
Un patron atypique

Alpiniste chevronné, Yvon Chouinard a commencé à fabriquer puis à vendre ses pythons d’escalade dans les années 1960, qu’il a passés à escalader les faces vertigineuses de Yosemite, en Californie. À l’époque, il dormait dans sa voiture et mangeait de la nourriture pour chat en conserve, raconte-t-il dans sa biographie.
En 1973, il se lance dans l’importation de polos de rugby puis dans la fabrication de vêtements de sport et de montagne avec Patagonia. Mais la laine avait un gros problème : elle devenait lourde et froide avec l’humidité. Puis il est tombé sur le tapis de siège de toilette en acrylique. Quelques années plus tard, il se transforme. La veste polaire est née.
Alors que Patagonia a triplé son chiffre d’affaires en quelques années, Yvon Chouinard doit faire face à un dilemme : il est devenu un acteur de cette consommation galopante qui épuise la planète. En 1985, il s’engage à consacrer 1% de son chiffre d’affaires à l’environnement. Elle est ensuite passée au coton biologique, cultivé sans pesticides, et au polyester recyclé au début des années 1990. Vendredi 2011, l’entreprise boycotte le programme publicitaire de Facebook depuis juin 2020. Des options militantes plébiscitées par les clients et citées en exemple dans de nombreuses écoles de commerce. .
Aujourd’hui, Yvon Chouinard n’est plus millionnaire. Presque un soulagement pour quelqu’un qui conduit une vieille Subaru et qui n’a ni ordinateur ni smartphone.