CERTIFICAT. La marchande d’art Mariia Titova a fui l’Ukraine avec 200 tableaux sous le bras

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Written By Vincent Bourdieu

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Mariia Titova, une marchande d’art professionnelle, a fui Kiev puis l’Ukraine, emportant ses 200 tableaux préférés avec eux empilés dans sa voiture avec quelques effets personnels. Réfugiée à Rennes, elle tente de les dénoncer.

Son sourire et son enthousiasme à parler des auteurs des 200 tableaux qu’elle a expulsés d’Ukraine sont trompeurs. Mariia Titova est une réfugiée, elle a livré il y a tout juste trois semaines ses effets personnels et son trésor dans le petit studio qu’une amie d’amis lui a mis à disposition au fond de son jardin, en plein centre de Rennes.

Comment en est-elle venue à quitter sa famille et son pays en guerre pour poser son sac ici ? Grâce à son amitié avec la Rennaise, Christine Barrat.

Une boîte de vêtements et 200 tableaux

Une boîte de vêtements et 200 tableaux

« Je suis commissaire-priseur en ligne et Mariia est marchande d’art. Nous étions en contact via nos comptes LinkedIn et sommes devenus amis avant le début de la guerre », raconte Christine Barrat. Avec le conflit, il devient vite difficile pour Mariia de continuer à acheter des œuvres d’artistes ukrainiens avec qui elle travaille depuis longtemps pour les expédier aux collectionneurs du monde entier.

Pour sa sécurité, elle a quitté Kyiv et s’est réfugiée dans son petit manoir du centre de l’Ukraine. Elle y vit avec son mari et plusieurs membres de sa famille. Ses deux enfants de 18 et 22 ans, qui étudient et travaillent en Pologne, sont déjà en sécurité.

Mariia a emporté avec elle 200 tableaux, un trésor qu’elle a amassé au fil des ans en achetant pour elle-même des œuvres de ses artistes préférés. Il fait froid, les conditions de sécurité sont encore incertaines. Son amie Christine l’encourage à quitter le pays. Mais où aller ? Mariia Titova emporte dans sa voiture une boîte de vêtements personnels et ses 200 tableaux. Peintures à l’huile, dessins, qu’elle glisse dans de fines boites, sans encadrement.

Une journée à la douane

Une journée à la douane

Au poste frontière ukrainien, on la regarde avec de grands yeux. « Ils pensaient que j’avais cambriolé les musées ! Mais j’avais tous les papiers avec moi. Ces toiles, je les ai achetées la plupart du temps directement aux artistes. Et heureusement j’avais gardé contact avec une personne du Ministère de la Culture, à qui j’ai envoyé des photos des oeuvres. Elle a pu confirmer ma qualité de marchande d’art », explique Mariia. Il sera absent une journée au poste de douane, consacré à expliquer la situation.

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Elle repose d’abord chez des amis à Vienne. « Mais je n’avais aucun lien professionnel là-bas pour continuer à exercer mon métier », résume Mariia. Elle part donc pour Rennes, où son amie Christine la met en contact avec son réseau d’amateurs d’art et l’aide à trouver un petit logement où les paysages à l’huile de Gertesnok de Zaporizhie, « un peintre dont le bel atelier abritait des tableaux pointillistes, dessinés avec le plus grand soin. » ; les peintures aux tons pastels de Gregory Shponko, rappelant Monet ; celles de Semen Guyetsky, un artiste expulsé après la guerre en tant que Juif mais tellement doué qu’il fut exposé dans le monde entier ; ou celles de Viktor Gaidok, qui a passé sa vie avec sa sœur à peindre.

Valeur historique

« Où pouvez-vous voir une telle œuvre d’art ukrainienne aujourd’hui ? souligne Christine Barrat. Aucun musée ou collectionneur en France ne possède une telle collection. Pour le commissaire-priseur et historien de l’art, les peintures de Mariia ont actuellement des prix allant de 500 € pour les dessins à 2 500 € pour les peintures. « En Ukraine, les musées ou les galeries essaient de cacher leurs œuvres pour les protéger de la destruction. La collection de Mariia a donc une valeur patrimoniale nationale et historique. Je comprends que Mariia ait besoin de vendre. Mais montrer ces peintures lors d’une véritable exposition avant leur dispersion serait une occasion unique de découvrir des artistes ukrainiens. »

Les deux femmes recherchent actuellement un lieu à Rennes pour exposer à partir de septembre. Mariia prévoit de partager les bénéfices entre sa famille, restée en Ukraine, et une organisation non gouvernementale qui aide les réfugiés.