Automobile : « Nous sommes dans une période de reconquête » (Cédric Veau, PDG de Kia Maroc) – Médias24

Medias24 : Le marché automobile marocain traverse une période difficile, avec une baisse de 11 % depuis le début de l’année. Pourtant, Kia est l’une des rares marques qui tient le coup avec 35% des ventes. Quels sont les moteurs de cette performance ?

Cédric Veau : Tout d’abord, il faut noter que nous sommes encore dans une phase de reconquête. Nous venons d’achever la reconstruction de notre réseau, qui compte aujourd’hui 23 points de vente, dont six ouverts en 2021. Nous vivons donc notre première année pleine en termes de densité de réseau, et cela impacte logiquement nos performances commerciales.

Notre plan produit est un deuxième facteur. Nous avons maintenant une gamme élargie qui répond mieux aux attentes du consommateur marocain. Et nous travaillons avec un constructeur dont l’écosystème industriel a mieux résisté aux bouleversements qui secouent l’industrie depuis plusieurs mois, principalement les pénuries de composants électroniques. Cela nous a permis, hormis quelques ruptures sur certains modèles, de maintenir des niveaux de stocks satisfaisants.

– Dans quelle mesure ces perturbations ont-elles affecté la façon de fonctionner et d’aborder l’activité d’importateur automobile ?

– Le principal changement est de devoir penser à court terme. La multiplication des incertitudes a imposé des horizons de décision plus courts : nous sommes contraints d’être plus agiles, plus réactifs, et d’adapter notre stratégie en fonction de la disponibilité des produits. Si on revient à la crise sanitaire, je dirais même que cette période a été une chance pour nous. Nous en avons profité pour réorganiser l’entreprise, améliorer notre système d’information et aller plus loin dans notre transformation digitale. Je pense que nous récoltons également les fruits de ce travail.

– Cette période s’est également accompagnée d’une tendance inflationniste, avec une hausse continue des prix de vente des véhicules. Comment gérez-vous cela?

– Entre la hausse des prix des matières premières, des coûts logistiques et du taux de change selon l’origine des produits, on ressent en effet les conséquences de cette tendance inflationniste mondiale. Nous essayons de les gérer au mieux, en ajustant nos stratégies commerciales. Au sein de notre gamme, certains modèles sont plus touchés que d’autres par cette inflation. Cela nous oblige à être plus imaginatifs et plus flexibles commercialement, et à adapter nos moyens et nos objectifs à cette situation. J’espère surtout que la hausse des prix n’aura pas d’impact durable sur la demande, même si on commence déjà à en voir les effets sur le marché marocain.

– Justement, le lancement récent de modèles d’origine indienne, comme le Sonet et le Carens, est-il un moyen d’amortir les effets de cette inflation ?

– En effet, nos produits en provenance d’Inde sont bien positionnés en termes de tarifs, malgré les droits de douane qui augmentent leur prix de vente. Cependant, son lancement n’est pas seulement une réponse tactique à la situation actuelle.

Que ce soit le Sonet, le Carens ou le Seltos, ce sont des modèles qui ont leur place dans notre gamme et qui jouent un rôle dans notre stratégie de reconquête du marché marocain. Ils nous permettent d’élargir notre offre et d’être présents sur la plupart des segments, en plus avec des prix compétitifs.

– Vous venez d’annoncer un partenariat avec un assureur pour proposer des contrats d’assurance dans vos points de vente. Offrir des services annexes, est-ce pour vous une évolution logique de la distribution automobile ?

– En tant qu’importateur et distributeur d’automobiles, nous croyons que notre relation avec le client doit aller au-delà de la vente et de l’entretien. Nous considérons qu’un certain nombre de produits et services sont naturellement associés à l’automobile, et nous souhaitons donc mettre en place une logique de guichet unique.

L’idée est d’offrir au client la possibilité de trouver la réponse à tous ses besoins lors de l’achat d’une voiture au même endroit, du financement au contrat d’assurance, en passant par le contrat d’entretien et même la location à long terme. L’objectif est de simplifier le parcours client et de le rendre le moins contraignant possible.

– Qu’en est-il des véhicules d’occasion, un secteur dans lequel vos concurrents sont de plus en plus actifs ? Le voyez-vous comme un moteur de croissance pour Kia Maroc ?

– La réponse est oui : nous y voyons un véritable moteur de croissance, au point d’en faire une Business Unit à part entière. Nous avons déjà deux points de vente dédiés à Casablanca et Marrakech, et nous allons bientôt en ouvrir un autre à Casablanca. A côté, nous avons placé tous nos véhicules d’occasion (véhicules d’occasion) sur une plateforme e-commerce.

Cependant, notre approche est très différente de celle de nos pairs. Nous avons intégré la reprise de véhicules d’occasion comme solution complémentaire dans le processus d’achat d’un véhicule neuf. Aujourd’hui, un client peut venir chez nous, vendre sa voiture immédiatement et financer le solde pour en acheter une nouvelle. Là encore, l’objectif de la démarche est de faciliter l’expérience client. La vente d’une voiture d’occasion est une opération contraignante, entre le contact avec les acheteurs potentiels, le sérieux des intermédiaires, les démarches administratives et les questions de rapidité et de fiabilité de paiement. Nous vous proposons de supprimer toute cette partie afin de faciliter l’acquisition d’un nouveau véhicule.

– L’électrification est un problème actuel, dont nous souffrons plus que nous ne le choisissons. Quelle est la place de Kia dans ce contexte ? Avez-vous des projets en ce sens pour le marché marocain ?

– Kia Motors a toujours été à l’avant-garde dans le domaine de la mobilité électrique. En 2025, plus de sept modèles électriques rejoindront la gamme du constructeur. Certaines sont déjà sur le marché, dont la EV6 qui a été élue Voiture européenne de l’année 2022.

Quant au marché marocain, la situation est assez complexe. Une demande est certes en train d’émerger et les automobilistes marocains prennent conscience des avantages du véhicule électrique en termes d’agrément de conduite, de coût d’usage et de souci écologique. Mais deux questions essentielles demeurent : l’infrastructure de recharge et le prix d’achat.

Tout d’abord, il est impossible de développer le parc de véhicules électriques sans étendre significativement le réseau de bornes de recharge publiques, qui en sont actuellement à leurs balbutiements. Quant au prix d’achat, l’expérience de plusieurs pays a montré qu’il n’est pas accessible à court terme sans une subvention ou des incitations sous diverses formes.

Tant que ces deux conditions ne sont pas remplies, l’hybridation reste une solution intermédiaire intéressante. C’est pour cette raison que nous allons élargir notre gamme avec ce type de moteur. Nous commercialisons déjà le Niro et le K5 en version hybride, et bientôt ce sera le cas du Sorento et d’autres modèles.

Nous avons l’avantage de travailler avec un constructeur qui dispose de tous les types de motorisations dans sa gamme, essence, diesel, hybride ou électrique. Nous continuerons à suivre l’évolution du marché, et nous serons prêts à adapter notre offre si nécessaire.