Sécurité : à Nice, plongée au cœur du premier complexe…

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DOSSIER – Créé en 2010, le CSU de Nice est un laboratoire d’innovations technologiques que la ville souhaite doter d’intelligence artificielle.

Au numéro 5, place du Général de Gaulle, à Nice, le long des voies du tram, un immeuble haussmannien domine. Baignées de soleil, les pierres brutes de Saint-Maximin ne trahissent aucun des secrets qu’elles gardent à l’abri des curieux. Pour les simples mortels, ce bâtiment n’est rien de plus que le commissariat de la police municipale. Pourtant, quelques étages plus haut, se cache l’une des principales armes de la ville : le centre de surveillance urbaine ; que tout le monde à Nice appelle simplement « la CSU ».

Créé en 2010 à la demande de Christian Estrosi, il est aujourd’hui le premier complexe de vidéoprotection en France et un laboratoire d’innovations technologiques. 90 paires d’yeux alternent en permanence, chaque jour de l’année, pour scruter des dizaines d’écrans. Un dispositif qui s’inscrit dans le continuum de sécurité ponctuellement proposé par la Municipalité.

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Pour accéder au CSU il faut d’abord emprunter une porte blindée, puis un ascenseur accessible uniquement avec un badge et, enfin, une autre porte blindée. Ce n’est pas la DGSI, mais l’ambiance respire la confidentialité. C’est dans la salle de crise que nous sommes emmenés. Ce dernier est activé pour la gestion d’événements majeurs, comme une finale de coupe du monde de football, où la fougue peut vite se transformer en affrontement. Dans cette pièce, un grand bureau carré occupe l’espace. Plusieurs écrans géants tapissent les murs. Tous sont directement reliés aux 4 000 caméras qui cadrent la ville sur 72 kilomètres carrés. « En 2010, ils étaient 280 », se souvient Véronique Borré, directrice générale adjointe de la ville, rappelant la volonté politique du maire de répondre à un « besoin » de sécurité.

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Des caméras fixes et autonomes à la pointe de la technologie

A la pointe de la technologie, certaines de ces caméras sont fixes, d’autres sont nomades et autonomes car fonctionnant à l’énergie solaire. « Ils nous aident à combattre le crime, mais ils aident aussi les gens. Nous en avons également installé dans la Vésubie après la tempête Alex, ce qui nous permet de garder un œil sur ce qui se passe », poursuit Véronique Borré, qui dirige également l’Agence Environnement, santé, sécurité et maîtrise des risques de la métropole de la Côte d’Azur de Nice. .Beaucoup de ces appareils disposent d’un zoom pouvant grossir jusqu’à 32 fois.Depuis la Colline du Château, à la pointe de Rauba-Capeu, l’objectif n’a aucune difficulté, par exemple, à se projeter sur la piste de l’aéroport de Nice, à environ sept kilomètres comme à vol d’oiseau. « Pas mal », grogna l’agent en tenant la caméra devant nos yeux.

Certains permettent même aux opérateurs de zoomer sur l’image une fois qu’elle est enregistrée, sans perte de qualité. Un exploit. « Nous avons également la capacité, avec une seule caméra, de créer des zones d’intérêt. En d’autres termes, un seul objectif peut nous donner l’équivalent de 24 caméras. »

Plus de 1 000 équipent les bus et tramways niçois. « Nous sommes l’une des rares villes à avoir l’ensemble de notre réseau de transport référencé en temps réel », précise Véronique Borré. « Dans une salle dédiée », explique Anthony Borré, premier adjoint délégué à la sécurité. En effet, la loi ne permet pas aux policiers municipaux de visionner en direct les images des transports en commun. Par conséquent, des opérateurs spécialisés s’en chargent. Enfin, des caméras piétons équipent chaque patrouille de la police municipale. Et depuis novembre dernier, un agent peut décider, s’il le souhaite, de retransmettre en temps réel au centre de surveillance urbaine les images qu’il enregistre sur la voie publique.

Bien sûr, il n’y a aucune volonté de notre part de remplacer les humains par la technologie. Les deux sont complémentaires

Trois blocs opératoires vidéo équipés de 90 écrans permettent de gérer ce vaste dispositif : un pour la gestion des événements sur la voie publique, un autre dédié à la protection des établissements scolaires et à la lutte contre les incivilités et un dernier dédié au réseau de tramway. Certains policiers ont également la possibilité de faire des patrouilles virtuelles. Les yeux fixés sur son écran, imperturbable, un agent sillonne les rues d’un secteur bien précis de la Baie des Anges, à la recherche de la moindre « anomalie ». « Bien sûr, il n’y a aucune volonté de notre part de remplacer l’humain par la technologie. Les deux sont complémentaires », insiste Véronique Borré.

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Coincés à quelques mètres de là, dans une pièce exiguë, le standard de la CSU et ses quelques agents sont prêts à décrocher le téléphone. « Nous avons environ 90 000 appels par an. Pour des informations mais aussi pour la police d’urgence quand les gens ne peuvent pas joindre le 17. » Ce standard est également connecté à différents outils communaux : bornes d’appel d’urgence (200), boutons et boitiers d’alerte (1352) ou encore horloges connectées mises à disposition des commerçants. De plus, une salle d’extraction vidéo permet le visionnage et la lecture de séquences vidéo. Elles sont stockées pendant 10 jours sur des serveurs massifs et peuvent être saisies à la demande des officiers de police judiciaire ou du parquet pour aider à résoudre une affaire.

D’autres technologies rendent le CSU encore plus efficace et innovant. La salle de crise, par exemple, est équipée d’une grande table tactile 3D. Cela permet aux décideurs – le préfet et le questore de la police nationale, entre autres – de visualiser à travers une sélection les différents types de capteurs de la ville, la famille de bâtiments (lieux de culte, écoles…) et les emplacement des unités opérationnelles. « C’est vraiment un outil complémentaire pour nous, en particulier pour les activations de PC en cas de crise. Mais on l’utilise aussi au niveau opérationnel de la police municipale pour placer nos équipages sur des déviations de trafic ou des manifestations par exemple », explique le chef du CSU, Grégory Pezet, au plus fort de la manifestation. Des tablettes tactiles plus modestes mais tout aussi efficaces sont mises à la disposition des unités d’élite du Raid afin qu’elles puissent bénéficier d’un reportage vidéo des caméras de la ville lors d’une intervention.

« Je considère que tous ceux qui n’ont pas pris ce virage, qui ont pris le temps d’armer leurs agents de la circulation, de les faire travailler 24 heures sur 24 et qui ont pris le temps de s’équiper de caméras de vidéosurveillance, sont en retard », analyse le « monsieur de la sécurité » niçois, Anthony Borré, interrogé sur l’utilité de cette technologie à Nice. « Le changement, c’est 2015. C’est le Bataclan. De plus, après cette attaque, nous avons considérablement élargi le système CSU », se justifie-t-il.

Je crois que tous ceux qui n’ont pas pris ce virage, qui ont pris le temps d’armer leur police municipale, de les faire tourner 24 heures sur 24 et qui ont pris le temps de s’équiper de caméras de vidéosurveillance, ont un délai

Un tout petit agrandissement par rapport au futur commissariat qui devra accueillir, dès 2025, tous les acteurs de la sécurité de la ville. Mais surtout le premier « Centre d’Hypervision et de Commandement Urbain (CHUC) » de France. Un espace « hyper » connecté de 3400 mètres carrés, qui regroupera le Centre de Commandement Opérationnel de la Police Municipale (COC), le Centre Multimodal de Circulation Métropolitaine (CMDM), le PC Sécurité, le Poste de Commandement Municipal (PCC), etc. . . .

Le déploiement de l’intelligence artificielle

C’est aussi au CHUC que la municipalité compte implanter différents systèmes d’intelligence artificielle, comme la reconnaissance faciale et la détection automatique des déchets abandonnés sur la voie publique. « C’est le pas en plus », souligne Véronique Borré. La ville de Nice est aussi la première en France à avoir testé cette technologie en conditions réelles sur la voie publique lors du Carnaval 2019. « Nous avons testé plusieurs choses : d’abord les contrôles d’accès, en remplaçant les badges par la reconnaissance faciale, puis la recherche de personne. perdu dans la foule et identification d’une personne pouvant être dangereuse. Tout a parfaitement fonctionné », se vante le directeur général adjoint.

Pourtant, aujourd’hui, le cadre réglementaire imposé par la CNIL limite tout développement du secteur. Si Christian Estrosi demande une loi d’expérimentation en la matière, il n’est pas certain qu’il obtiendra gain de cause. Alors qu’un projet de loi relatif aux « caméras augmentées » qui pourraient être installées aux Jeux olympiques de 2024 était à l’examen mardi au Parlement, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, par la voix de sa présidente, Marie-Laure Denis, a appelé les députés à au micro de France Info « de ne pas introduire la reconnaissance faciale ».

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