Publié le 30 janvier 2023 à 14:21 Source : Le JT
Publié le 30 janvier 2023 à 14h21.
Légumes laids, fruits difformes, œufs minuscules, tranches de jambon mal calibrées…Les épiceries « Nous » se donnent pour mission d’en finir avec le gaspillage.Objectif, sauver les produits dont les grands industriels et les supermarchés ne veulent pas en les vendant beaucoup moins cher.
Légumes moches, fruits difformes, œufs minuscules, tranches de jambon mal calibrées…
« Nous » les épiceries se sont donné pour mission de stopper le gaspillage.
Objectif, sauver les produits dont les grands industriels et les supermarchés ne veulent pas, en les vendant beaucoup moins cher.
10 millions de tonnes par an en France. Ce chiffre colossal correspond au gaspillage alimentaire estimé par le ministère de l’Ecologie. Ces pertes représentent une valeur commerciale estimée à 16 milliards d’euros. Ils exigent un prélèvement inutile de ressources naturelles (terres arables préemptées ou déversement de millions de litres d’eau). Ils provoquent des émissions fortes et non moins évitables de gaz à effet de serre. L’Agence pour la transition écologique (Ademe) estime que 3 % des émissions nationales proviennent des déchets alimentaires. Pire, nous devons continuer à gérer et traiter ces déchets jetables, souvent à un coût élevé pour les collectivités.
Pour y arriver, nous faisons tous notre part. Dans une étude sur l’inventaire des masses de déchets et leur gestion aux différentes étapes de la chaîne alimentaire, l’Ademe montre que la phase de production génère un tiers des pertes (32%). La phase de transformation (21 %) et la phase de distribution (14 %) représentent le deuxième tiers des déchets. Dans ce cas, avant d’arriver en stockage dans nos réfrigérateurs ou au fond de nos placards, 2 aliments sur 3 deviennent techniquement impropres à la consommation.
Deux entrepreneurs parisiens, Vincent Justin et Charles Lottmann, travaillaient respectivement dans la finance et le design. Consternés par ces tonnes de produits injustement jetés, ils laissent tout tomber pour investir dans un projet en phase avec leurs préoccupations écologiques. En 2018, en Bretagne, ils ont lancé la première marque de distribution dédiée aux produits anti-gaspillage pour revaloriser les aliments destinés au gaspillage, alors qu’ils sont encore propres à la consommation. A Quimper, Lille, Bordeaux, Nantes ou Paris, les magasins américains affichent dans leurs rayons des fruits présentant des défauts physiques, de la viande conditionnée dans des cartons réutilisables ou encore des aliments dont la durée minimale de durabilité approche voire dépasse.
Petits œufs et chutes de jambon
Oeufs de petit calibre (en raison du jeune âge des poules), jambons et lardons en fausses tranches ou tranches, saucisses bombées après cuisson délicate, fromages surdimensionnés… Chez Nous il n’y a pas de discrimination alimentaire. Tous les produits trouvent leur place s’ils respectent les normes sanitaires. Dans les rayons, les clients peuvent trouver des aliments secs (riz, pâtes ou lentilles) dont la date de péremption est dépassée. Charles Lottmann, co-fondateur de la chaîne, reconnaît une gestion plus épineuse des produits frais. « Nous travaillons avec 1 200 producteurs locaux dans toute la France. Nous achetons des produits frais à des producteurs dont la date de péremption est inférieure à trois semaines. Par exemple, nous récupérons les pommes trop petites chez le maraîcher et les mettons en caisse. » Nous, les magasins, cherchons à maintenir un esprit vertueux. Ils privilégient la livraison décarbonée en zone urbaine, limitent les emballages plastiques et valorisent les produits ultra-locaux. « Nous essayons d’atteindre nos objectifs de développement durable, mais nous devons rester cohérents afin de proposer des prix attractifs », ajoute le co-fondateur du groupe.
Les résultats, les arrivées restent aléatoires. La production de pain de mie, de fromage blanc, de brioche ou de pâte à tartiner se fait à la commande. « Nous avons moins d’offres et nous acceptons les rayons vides. Nous considérons certains produits comme des œufs essentiels et les clients les trouvent toujours dans les rayons », rassure Charles Lottmann. L’enseigne propose autant de produits du quotidien qu’un supermarché classique : fruits et légumes bio, laitages, produits laitiers, charcuteries, aliments salés et sucrés, boissons, produits de gros, hygiène, soins, etc. « Nos invendus sont redistribués aux associations locales via des applications mobiles », se réjouit l’ancien créateur. Les magasins rentables attirent de plus en plus de clients. La forte inflation pousse certains étals à augmenter leurs prix de 30% sur certains produits. De son côté, Us reste 20 à 30% moins cher que toutes les autres marques. « Les clients viennent par curiosité, en se disant aussi qu’ils font de bonnes affaires. Ils reviennent après car ils sont sensibles aux questions environnementales », décrit le co-fondateur.
La marque Nous ne transforme directement aucun aliment. Les produits, comme la brioche, sont souvent rares dans les magasins. Pour éviter de se retrouver en pénurie constante, le groupe a trouvé une solution : « Nous avons peu de partenariats avec des producteurs de brioches. Un producteur nous vend des brioches dès qu’elles sont retirées du supermarché, car elles ne sont pas de la bonne forme ni de la bonne couleur. Ils ne correspondent pas. Nous les reconditionnons et les vendons sous notre propre marque », explique Charles Lottmann. Nous vendons aujourd’hui 150 produits de cette façon, y compris dans les rayons d’autres grands magasins.
Appel à la raison à la grande distribution
La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, entrée en vigueur en 2022, vise notamment à réduire de 50 % les déchets dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale d’ici 2030. Elle demande aux distributeurs de mieux gérer leurs stocks : « Le délai, la date de durabilité minimale et le numéro de lot doivent être intégrés dans la codification des produits. Cela permettra un meilleur traitement informatique des stocks », revendique le texte.
Dans le viseur, la grosse diffusion. « Les grands magasins négocient avec les enseignes une disponibilité constante. S’il y a rupture de stock, les fournisseurs s’exposent à des sanctions. Du coup, les producteurs surproduisent par rapport à la norme avec des surplus de l’ordre de 10% », déplore Charles Lottmann. L’entrepreneur regrette que les gros industriels ne veuillent toujours pas coopérer avec Nous, jugé « trop petit ». Mais il constate que les mentalités changent. « Nous y arriverons si nous parvenons à trouver un succès commercial au-delà du réseau des écologistes convaincus. »
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Accueil-Consommation et tendances-Contre le gaspillage alimentaire, une épicerie qui donne une chance aux fruits et légumes moches et autres indésirables.