La cour d’appel n’a fourni aucune base légale à sa décision, satisfaite de la constatation que le propriétaire avait, pour son propre compte et pour une durée limitée, confié la conduite à une autre personne pour cause d’ivresse pour exclure tout transfert de garde du véhicule au conducteur.
« Parce qu’elle est basée sur les risques créés par la situation du VTAM [véhicule terrestre à moteur], la responsabilité des actes du VTAM en cause pèse sur ceux qui créent ces risques » (P. Malinvaud, M. Mekki et J.-B Seube, Droit de la responsabilité , éd.-16, LexisNexis, 2021, n°751, p.682). Bien que la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, n’ait pas désigné expressément les débiteurs d’indemnisation, il est admis qu’elle résulte de l’article 2 – où « Les victimes, y compris le conducteur, ne peuvent invoquer la force majeure ou le fait d’un tiers. » par le conducteur ou le gardien des véhicules mentionnés à l’article 1″ – que ce dernier est le conducteur ou le gardien de chaque véhicule mis en cause. Le système en place repose en effet sur l’intervention de l’assurance automobile obligatoire : l’indemnité censé être supporté par la personne responsable désignée par la loi par la loi, mais par l’assureur de la responsabilité civile. Toutefois, l’article L. 211-1, alinéa 2, du code des assurances dispose que « Le contrat d’assurance […] doit [… ] couvrent la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou le contrôle, même non autorisée, du véhicule ».
Les tuteurs sont définis par la jurisprudence selon le droit civil général. C’est la personne qui a « l’usage, la direction et le contrôle » (Cass., c. réun., 2 décembre 1941, Franck, relatif au fait de responsabilité) du véhicule au moment de l’accident. La Cour de cassation a opté, depuis l’appréciation de ce principe, pour la conception matérielle de la détention, abandonnant la conception juridique retenue jusque-là. Cependant, la simple notion de garde pèse toujours sur le propriétaire du bien. Cette hypothèse est particulièrement vraie lorsque le véhicule impliqué dans l’accident est stationné sans personne à l’intérieur. En cas de remise volontaire du bien à un tiers par le propriétaire, le transfert de garde n’est maintenu que si le tiers a obtenu trois pouvoirs sur le bien (usage, direction et contrôle). La seule utilisation des biens ne suffit pas, l’essentiel est de pouvoir suivre et contrôler leur utilisation, de manière à prévenir les dommages (A. Cayol, Responsabilité des accidents de la circulation, in Encyclopédie du droit de la responsabilité civile, Lexbase, R. Bigot et F. Gasnier [dir.], 9 mai 2022 ; R. Bigot et A. Cayol, Droit de la responsabilité civile en tableaux, Préfet P. Brun, Ellipses, 2022, p. 330). La responsabilité s’oppose au contrôle sur elle, comme l’a rappelé la deuxième chambre civile dans sa décision du 7 juillet 2022.
Dans ce cas, le propriétaire du véhicule qui consomme de l’alcool passe le volant à un autre conducteur en s’installant à l’arrière. Un accident s’est alors produit, blessant le passager avant. La caisse primaire d’assurance maladie charge le titulaire, en tant que syndic, de rembourser ses dépenses. Le tribunal de grande instance fit droit à sa demande, déclarant le propriétaire civilement responsable de l’accident au motif que « le fait que le propriétaire […], pour son propre bénéfice et pour une durée limitée, ait confié la conduite à quelqu’un d’autre en raison de son état d’ébriété tout en restant passager dans son propre véhicule. » contrairement à transférer au conducteur le pouvoir d’usage, de direction et de contrôle qui caractérise la garde » (pt 8). Dans son pourvoi en cassation, le propriétaire a fait valoir que, si la présomption d’immobilisation lui pesait réellement, celle-ci devait être annulée après qu’il eut été déterminé qu’un tiers, au moment de l’accident, seul pouvait prévenir le dommage. Il a rappelé qu’il était « assis, au moment de quitter la route, à l’arrière de sa voiture et dans un état d’ébriété qui lui interdisait d’empêcher les dégâts, alors que l’ancien propriétaire de la voiture […] était le conducteur à ce moment-là. » et dispose donc de tous les moyens possibles pour éviter les dégâts même » (partie 6). Le Tribunal de Grande Instance violerait ainsi l’article 2 de la loi Badinter en justifiant sa décision par une affirmation abstraite, sans vérifier qui pouvait objectivement empêcher l’accident (pt 6). La deuxième chambre civile a infirmé la décision du juge du tribunal sur le visa de l’article 2, déclarant qu’il n’y avait pas de base légale, les motifs retenus par la cour d’appel étaient « il n’y a pas lieu d’exclure, compte tenu des circonstances de l’espèce, que le non- conducteur propriétaire a perdu tout pouvoir d’utiliser, de contrôler et de diriger le véhicule » (point 9).
Promise à être publiée au Bulletin et procès-verbal de cassation, cette décision souligne la nécessité pour un juge du tribunal de déterminer concrètement, dans chaque situation, si la garde a été transférée par le propriétaire au conducteur du véhicule. Il s’est souvenu qu’un transfert était très possible. Des affaires judiciaires antérieures, têtues à défendre de tels transferts si le propriétaire est dans le véhicule, pourraient en effet suggérer le contraire. Il a été relevé que « Si elle est indéniable, cette présomption n’apparaît pas souvent comme réfutée soit lorsque le propriétaire conduit son véhicule lors d’un accident, sauf à prouver qu’il a appris à conduire sous l’autorité d’un tiers, soit alors qu’il était au moment de l’accident dans sa conduite par un tiers » (Rép. civ., v° Responsabilité – Régime des accidents de la circulation, par P. Oudot , n° 88, mise à jour juillet 2022). Les arrêtés conservent la qualité de tuteur au propriétaire qui reste dans le véhicule en qualité de passager alors même qu’il était conduit par une autre personne au moment du sinistre (Civ. 2e, 29 fév. 2000, n° 96-22.884, D. 2000. 145 ; RTD civ. 2000. 589, obs. P. Jourdain ; 10 juin 1998, n° 96-17787, RTD civ. 1999. 123, obs. P. Jourdain), même dans les cas où le maintien du contrôle du véhicule peut paraissent discutables. obligeant le passager (passager) à reprendre la direction du véhicule (Civ. 2e, 2 juillet 1997, n° 96-10.298, D 1997. 448 , note H. Grutel ; idem. 1998. 203, obs. D. Mazeaud; RDT civ. 1997. 959, obs. P.Jourdain). Cependant, le fait que le conducteur ne soit pas titulaire d’un permis de conduire peut contribuer à nier la possibilité de lui transférer le contrôle total de la voiture (Comp., Civ. 2e, 3 oct. 1990, n° 89-16.113, RTD civ. 1991. 129, obs. P. Jourdain ; ibid. 349, obs. P. Jourdain, le fait de confier la direction à sa fille, qui venait d’obtenir le permis de conduire, ne pouvait causer pas le transfert de la garde du véhicule à lui). Les faits diffèrent dans les arrêts commentés : comme le montre le pourvoi, le conducteur apparaît parfaitement capable de contrôler le véhicule, tandis que l’ivresse du propriétaire semble l’empêcher de prévenir les dommages (pt 6). Il appartient donc aux juges du tribunal de motiver davantage leur décision en soulignant l’absence du transfert des trois pouvoirs permettant de caractériser la garde physique du véhicule.